par Pascal Jacob
Acteur, régisseur, administrateur, agent, marionnettiste, photographe et collectionneur… Homme de spectacle curieux et fervent, Jean Villiers a exploré les multiples facettes d’une profession qu’il considérait avant tout comme une passion.
Sa vocation s’éveille en croisant la route de la famille Casadesus, avec laquelle il organise de nombreux spectacles entre 1942 et 1945. Il n’a que dix-sept ans mais son implication est totale et il acquiert très vite les rudiments d’un métier qu’il n’abandonnera plus. Engagé par la compagnie Jean Vilar comme régisseur et comédien au Théâtre du Vieux Colombier, il crée un spectacle pour le jeune public avec Louis Simon, L’Oiseau sur la branche. Cette approche pour une catégorie de spectateurs très particulière va s’avérer déterminante. Jean Villiers entre au Centre de formation de loisirs éducatifs pour la jeunesse en tant qu’instructeur de jeux dramatiques. Parallèlement, il commence à organiser des spectacles pour des entreprises et se constitue un carnet d’adresses rempli d’acrobates et de magiciens. À partir de 1950, il devient administrateur de la compagnie de marionnettes Jean-Loup Temporal auprès duquel il remplit également la fonction d’assistant. À ses côtés, il découvre toutes les étapes de la création d’un spectacle, de la fabrication des marionnettes au montage des décors, de l’écriture des séquences à l’organisation des tournées. En 1956, il fonde sa propre compagnie devenue, dix ans plus tard, Les Marionnettes du Raton-Laveur, en collaboration avec Michel Hellas.
Les années 1960 sont une période d’effervescence culturelle et Jean Villiers va s’y trouver en première ligne, revendiquant avec d’autres compagnies une plus grande reconnaissance de leur travail, mais aussi davantage de liberté et de moyens pour la production et la création de spectacles. Portées par des organismes comme Travail et Culture, l’UNIMA (Union Internationale de la Marionnette), le CNM (Centre National de la Marionnette), l’AJT (Association pour le Jeune Théâtre), ACTIF-Petite Enfance et ACTIF pour l’Enfance et la Jeunesse, dont il est par ailleurs le trésorier, des revendications collectives vont émerger et se faire entendre.
Très investi auprès de l’ensemble du métier, Jean Villiers atteint le grand public en collaborant au mémorable feuilleton quotidien Bonne nuit les petits pour lequel le temps s’arrête chaque soir au sein de toutes les familles de France ! Il est loin désormais le temps où le jeune marionnettiste démarchait les écoles à bord d’un véloSolex…
L’autre grande passion de sa vie est le cirque, un univers dont il collectionne patiemment tous les témoignages, du plus petit au plus grand, conservant chez lui, sur les murs et à l’abri de ses armoires, de précieuses faïences, de rares estampes et d’inestimables affiches. Pour cette dernière catégorie, Jean Villiers marquait une préférence certaine pour le graphisme acéré des créations des illustrateurs polonais et soviétiques, mais il adorait aussi la puissance du trait de Jules Chéret ou la précision extraordinaire des œuvres de Gustave Soury, peintre animalier au talent remarquable. Chineur invétéré, doté d’un goût très sûr et d’un œil infaillible, il arpente les allées des salons d’antiquaires et les brocantes et rend de fréquentes visites aux bouquinistes sans négliger pour autant un petit cercle de marchands spécialisés. Il n’hésitait jamais à partager ses connaissances sans limites avec de jeunes amateurs aussi passionnés que lui qu’il y rencontrait. Agissant parfois à titre d’expert auprès de quelques marchands ou commissaires priseurs à l’occasion de ventes spécialisées, il a aussi contribué à la mise en œuvre d’expositions comme Le cirque français au Musée de l’Affiche et de la publicité, en 1981, ou Le cirque et le jouet au musée des Arts Décoratifs, en 1984. Rédacteur de textes pour plusieurs catalogues, notamment pour l’exposition Quand passent les clowns à Auxerre en 1990, Jean Villiers a aussi contribué aux recherches documentaires et iconographiques pour l’ouvrage de Christian Dupavillon Architectures du cirque et réalisé l’exposition pour son lancement dans la galerie des éditions du Moniteur en avril 1982.
Président de la Région Île-de-France du Club du Cirque pendant près de trente ans, il a fait découvrir à plusieurs générations d’amateurs les coulisses des chapiteaux où il ne comptait que des amis et, bien sûr, les merveilles de sa collection qu’il exposait généreusement à travers la France. Sensible au renouveau des arts de la piste, il e été administrateur du Festival mondial du cirque de demain et a enseigné l’histoire du cirque aux premières promotions du Centre national des arts du cirque de Châlons-en-Champagne. Bibliophile lui-même, c’est aussi à titre d’expert qu’il a établi le Catalogue du Fonds Féret de la Bibliothèque Gaston Baty, édité par le CNAC en 1987 dans le cadre des Cahiers des arts du cirque. Toujours soucieux de préserver la mémoire et le patrimoine, Jean Villiers a enfin effectué de nombreux dons et suggéré de notables acquisitions pour enrichir les collections du département des Arts du spectacle de la Bibliothèque nationale de France.